Agriculture : sortir de la défensive pour mieux communiquer

Dans un contexte où l’agriculture est souvent mise en cause dans les débats publics — que ce soit sur l’environnement, le bien-être animal ou les pratiques agricoles — il devient urgent pour les acteurs du secteur de reprendre la main sur la communication. Dominique Wolton, expert en sciences de l’information et fondateur de la revue Hermès, appelle les agriculteurs à sortir d’une posture défensive pour affirmer leur rôle essentiel dans la société. Lors d’une intervention organisée par le SYRPA en partenariat avec le think tank Agridées, il a livré un éclairage percutant sur les enjeux de la communication agricole à l’heure des crises écologiques, numériques et sociales.

Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS et auteur de l’ouvrage « Vive l’incommunication – la victoire de l’Europe » (Éditions François Bourin), a participé à une conférence organisée par le SYRPA en collaboration avec Agridées. Devant un auditoire composé de communicants, d’agriculteurs et de professionnels de l’agroalimentaire, il a partagé sa vision de la communication appliquée aux enjeux agricoles et ruraux.

Selon lui, la communication ne se limite pas à l’échange d’informations. Elle peut prendre trois formes : la communication (fondée sur l’accord et le partage), l’incommunication (désaccord négocié) et l’accommunication (échec du dialogue, menant au conflit ou au silence). Cette dernière, trop souvent observée dans le traitement médiatique du monde agricole, crée un climat de polarisation dommageable.

L’agribashing, la remise en cause de pratiques comme l’élevage ou l’usage de certains intrants (tels que les produits phytosanitaires), ou encore les critiques portées à l’encontre du modèle agricole productiviste illustrent clairement cette crise de communication. Or, pour Wolton, « les agriculteurs sont ancrés dans le réel, dans le vrai : il faut le revendiquer et le montrer ».

Il appelle donc le secteur agricole à adopter une posture plus proactive : partager ses expériences, affirmer ses valeurs, et assumer la complexité du métier agricole dans un monde en transition. Car au-delà des contraintes techniques ou réglementaires, le véritable défi consiste aujourd’hui à faire comprendre ces réalités à des citoyens souvent déconnectés du terrain.

Il met également en garde contre deux idéologies dominantes : l’écologie politique, qui occulte parfois la diversité des réalités humaines, et le numérique, porté par les géants du web (GAFA), qui promeuvent une vision uniformisée du monde. Selon lui, l’Europe doit retrouver son ancrage culturel pour répondre à ces défis sans céder à une technocratie déshumanisante.

Cette prise de parole remet en lumière l’importance pour chaque acteur du monde agricole de reprendre l’initiative du discours public : sortir du repli, rétablir le lien avec la société, et démontrer le rôle vital de l’agriculture dans la résilience alimentaire, écologique et sociale.

Lire l’interview complète de Dominique Wolton sur le site d’Agridées

Par Marie-Laure Hustache, Responsable communication chez Agridées et administratrice du SYRPA

Alors que l’agriculture entre dans une période de reconfiguration majeure face aux défis environnementaux et sociétaux, une communication offensive, honnête et humaine est plus que jamais nécessaire. Plutôt que de subir les débats, les agriculteurs et les communicants du secteur doivent les investir avec lucidité, pédagogie et conviction. Car il n’y aura pas de transition durable sans une agriculture forte et bien comprise.